<p>Dans les derniers jours de juin 1857, je me mis en route avec deux compagnons qui ne demandaient qu’? courir : un naturaliste et un artiste, qui est, en m?me temps, naturaliste amateur.</p> <p>Il s’agissait pour eux d’explorer, sous certains rapports, la faune entomologique, en langue vulgaire la nature des insectes qui habitent notre d?partement. N’?tant qu’un parfait ignorant pour mon compte, je leur avais seulement promis, en leur servant de guide, un charmant pays ? parcourir.</p> <p>Mais, avant d’aller plus loin, il faut que, pour la facilit? de mon r?cit, je baptise ces deux personnages que j’accompagne. Je leur laisserai les noms dont ils s’?taient gratifi?s l’un l’autre dans leurs promenades entomologiques.</p> <p>L’artiste est, ? ses moments perdus, grand collectionneur et pr?parateur de premier ordre. Un charmant petit papillon bleu fort commun ?tait tomb? en poussi?re ? la collection, et notre ami est si difficile dans le choix des individus qu’il juge dignes d’y figurer, qu’il n’en trouve pas toujours un sur cent. Il poursuivit donc, durant toute une saison, la jolie lyc?nide amyntas. De l? le nom bucolique d’Amyntas qu’il porte fort complaisamment et dont je ne vois pas, au reste, qu’il ait sujet de se f?cher.</p> <p>Le naturaliste, un savant modeste, bien que tr?s-connu ? Paris de tous les amateurs d’entomologie, ?tait absorb?, depuis quelques jours, dans la recherche des coques de certaines chrysalides sur les branches mortes de certains arbres. De l? le nom pompeux de Chrysalidor, gracieusement accept? par notre compagnon.</p> <p>On partit par une matin?e tr?s-fra?che, muni de provisions de bouche, ? seules fins de gagner du temps en route, car on trouve partout ? manger maintenant dans notre bas Berry ; mais on n’y est pas encore tr?s-vif. Le Berrichon des plaines n’est jamais press?, et avec lui il faut savoir attendre.</p> <p>Or, nous voulions arriver et ne pas perdre les belles heures du jour ? voir tourner les broches, lesquelles tournent aussi gravement que les gens du pays. Quant aux tables, je doute qu’elles n’y tournent jamais, ou ce serait avec une nonchalance si d?sesp?rante, que les plus fervents adeptes s’endormiraient au lieu de penser ? les interroger.</p> <p>Nous d?jeun?mes donc sur l’herbe ; dans les ruines d’une vieille forteresse, et, deux heures apr?s, nous quittions la route pour un chemin vicinal non achev?, et plus gracieux ? la vue que facile aux voitures.</p> <p>Nous avions travers? un pays agr?able, des ondulations de terrain fertile, de jolis bois pench?s sur de belles prairies, et partout de larges horizons bleus qui rendent l’aspect de la contr?e assez m?lancolique.</p> <p>Mais je me rappelais avoir vu par-l? un site bien autrement digne de remarque, et, quand le chemin se pr?cipita de mani?re ? nous forcer de descendre ? pied, j’invitai mes naturalistes, fureteurs de buissons, ? jeter les yeux sur le cadre qui les environnait.</p> <p>Au milieu des vastes plateaux mouvement?s qui se donnent rendez-vous comme pour se toucher du pied, en s’abaissant vers une sinuosit? cach?e aux regards, le sol se d?chire tout ? coup, et dans une brisure d’environ deux cents m?tres de profondeur, rev?tue de roches sombres ou de talus verdoyants, coule, rapide et murmurante, la Creuse aux belles eaux bleues ray?es de rochers blancs et de remous ?cumeux.</p> <p>C’est cette grande brisure qui se d?couvrait tout ? coup au d?tour du chemin et qui ravissait nos regards par un spectacle aussi charmant qu’inattendu.</p> <p>En cet endroit, le torrent forme un fer ? cheval autour d’un mamelon fertile couvert de blondes moissons. Ce mamelon, inclin? jusqu’au lit de la Creuse, ressemble ? un ?boulement qui aurait coul? paisiblement entre les deux remparts de rochers, lesquels se rel?vent de chaque c?t? et enferment, ? perte de vue, le cours de la rivi?re dans les sinuosit?s de leurs murailles dentel?es.</p> <p>Le contraste de ces ?pres d?chirements et de cette eau agit?e, avec la placidit? des formes environnantes, est d’un r?ussi extraordinaire.</p> <p>C’est une petite Suisse qui se r?v?le au sein d’une contr?e o? rien n’annonce les beaut?s de la montagne. Elles y sont pourtant discr?tement cach?es et petites de proportions, il est vrai, mais vastes de courbes et de perspectives, et infiniment heureuses dans leurs mouvements souples et fuyants. Le torrent et ses pr?cipices n’ont pas de terreurs pour l’imagination. On sent une nature abordable, et comme qui dirait des ab?mes hospitaliers. Ce n’est pas sublime d’horreur ; mais la douceur a aussi sa sublimit?, et rien n’est doux ? l’?il et ? la pens?e comme cette terre g?n?reuse soumise ? l’homme, et qui semble ne s’?tre permis de montrer ses dents de pierre que l? o? elles servent ? soutenir les cultures pench?es au bord du ravin.</p>画面が切り替わりますので、しばらくお待ち下さい。
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